CHANSON DE LA VILLE SILENCIEUSE, Olivier Adam



Je suis la fille du chanteur. La fille seule au fond des cafés, qui noircit des carnets, note ce qu’elle ressent pour savoir qu’elle ressent. La fille qui se perd dans les rues de Paris au petit matin. La fille qui baisse les yeux. Je suis la fille dont le père est parti dans la nuit. La fille dont le père a garé sa voiture le long du fleuve. La fille dont le père a été déclaré mort. Celle qui prend un avion sur la foi d’un cliché flou. Celle dans les rues de Lisbonne, sur les pentes de l’Alfama. Qui guette un musicien errant, une étoile dépouillée d’elle-même, un ermite qui aurait tout laissé derrière lui. La fille qui traverse les jardins, que les vivants bouleversent, que les mots des autres comblent, la fille qui ne veut pas disparaître. Qui peu à peu se délivre.


CHANSON DE LA VILLE SILENCIEUSE
OLIVIER ADAM
EDITIONS FLAMMARION
3 JANVIER 2018
FAMILLE, ERRANCE, QUÊTE, LISBONNE




Lisbonne est lieu de périple, de quête pour cette jeune femme cherchant celui qu’on prétend mort. Le retrouver. A la certitude qu’il n’a pas rejoint les limbes. Son père. La vie s’agite autour du personnage principal, semble passer autour, ne jamais l’atteindre. Fantôme à la recherche d’un égaré. La ville comme décor, comme personnage. Bâtiments englobant la vision, entourant les passants. De quelques marmots et animaux créant le mouvement. S’y engouffrer. Pénétrer. Chercher. Les premières lignes posent l’ambiance, permettent de s'immiscer entre les pages, de suivre l’ombre du personnage. 

Fille de rock star. Ballotée entre les appartements. Passant d’une mère à la voisine, rejoignant parfois le père. Une enfance qu’elle croit normale, là, à recueillir les mégots des camarades de la mère, à jongler entre les débris des bouteilles. Jeunesse curieuse. Pas de frasques. Juste l’effacement. Un oeil avide qu’elle pose parfois sur les secrets, voudrait être de la partie. Congédiée en bordure. 

Faire un pas derrière la vitrine de la célébrité.
Au delà du corridor artistique.
C’est la réflexion à propos de l’Homme, celui qui peint le mythe.

Qu’y a t-il derrière les élucubrations de la rock star ? Au delà de ses mots ? Un autre. Un père qu'elle n'a pas su connaitre. Quelques fragments, filaments d'une paternité qu'il n'a pas su exprimer. Elle court après le père, jongle des indices disséminés à travers une ville inconnue. La traque se mêle de souvenirs, entrelace la jeunesse à la vie d'adulte. Jeune femme qui s'est construite de tessons, pièces d'un puzzle qu'elle peine encore à reconstituer malgré ses pas.

Aux dernières pages, c’est la rencontre avec un écrivain ; un autre artiste. S'en suit une réflexion autour de son manuscrit emprunt d’une lueur pudique tandis que l’homme transpire la confiance, charme l’auditoire. Où se révèle la personnalité ? Dans quels recoins se faufile l’artiste ? 

Une écriture singulière, qui accroche la rétine aux premiers mots, aux quelques lignes avalées aussitôt. Plume percutante. Quelques palabres. Énumérations. Olivier Adam dresse des listes, catapulte des adjectifs. S’en suivent des descriptions, une volonté d’envelopper le lecteur au sein d’une atmosphère. Se croire à Lisbonne. Être aussi étranger. Fantomatique présence. 

La quête n’est qu’une excuse, une direction pour mener son personnage féminin au dehors de sa coquille. Retrouver le père pour finalement se trouver soi. Admettre qu’elle peut vivre sans l’ombre de son nom. Vivre pour elle, au delà de la célébrité. Se délivrer du passé.



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